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La médiation d’entreprise : une solution d’apaisement au travail, selon Antonino Mercuri

Antonino Mercuri, ostéopathe et médiateur, exerce ces professions à Paris depuis 30 ans. Il a également écrit un ouvrage intitulé « Ostéopathie et droit : une rencontre possible ? ».

Bien que ces deux professions ne paraissent pas liées au premier abord, Antonino Mercuri s’est toujours attelé à accompagner ses patients dans le soin de leurs maux, que ce soit des blessures physiques ou psychiques, et c’est plus particulièrement dans ce dernier cas que s’inscrit sa profession de médiateur. Son objectif est de garantir le bien être, et nous allons ici nous intéresser au bien-être sur le lieu de travail, à travers le processus de médiation professionnelle.

Pourquoi entreprendre une médiation ?

La médiation en entreprise est un processus formel, par lequel une personne tierce impartiale (le médiateur) tente de créer et d’organiser un échange entre les parties en conflit, de leur permettre de confronter leurs points de vue, et de chercher ensemble avec son aide une solution aux conflit qui les oppose.

La médiation est devenue un outil incontournable de prévention des risques psychosociaux et de protection de la santé au travail, et la présence d’un dispositif interne de médiation est le signe de bien-être au travail d’une entreprise, et est en réalité un levier d’optimisation de la productivité au travail, car de mauvaises relations interpersonnelles contribuent à une organisation du travail défaillante.

Quels sont les différentes sources de conflit ?

Pour Antonino Mercuri, il existe deux grandes sources de conflits, qui peuvent toutes deux être un frein au bien être sur un lieu de travail, ainsi qu’à la productivité. Les conflits naissent essentiellement d’un rapport de force qui perturbe le bon fonctionnement d’une relation professionnelle, et même une équipe entière, dans les cas les plus aggravés.

Le conflit d’évitement

C’est le conflit le plus difficile à identifier, puisque les informations ne remontent pas jusqu’à la hiérarchie. Ce litige naît de la situation type suivante « le plus fort écrase le plus faible ». L’individu oppressé ne parle pas de sa situation, par peur d’éventuelles représailles, tandis que l’individu oppresseur ne peut pas en parler non plus, par peur de sanctions officielles.

L’évitement peut également se traduire par un partage de territoires, auquel cas les seuls conflits sont alors à propos de frontières entre des zones définies.

Le conflit d’affrontement

A l’inverse de l’évitement, le conflit d’affrontement est très simple à identifier, car il est très visible au sein d’une entreprise. Il prend la forme d’un « bras de fer », une démonstration de force entre les deux parties en litige, jusqu’à ce que le plus fort finisse par imposer sa volonté au plus faible.

Ces deux types de conflits ne sont pas hermétiques entre eux, car un conflit d’affrontement naît dans la plupart des cas d’un conflit d’évitement.

Comment anticiper d’éventuels conflits ?

Les litiges ont très souvent pour source des événements anodins où des situations qui ne sont pas dramatiques mais qui se sont aggravés avec le temps.

L’humain a pour besoin fondamental la reconnaissance quant à son travail fait, mais également la reconnaissance de son rôle au sein d’un collectif. Dans le cas où ces formes de reconnaissance sont négligées ou mal développées au sein d’une relation professionnelle, ces deux individus ont de forte chance de rentrer en conflit.

Pour Antonino Mercuri, c’est en identifiant ces causes que l’on pourra mieux anticiper les conflits au sein d’une entreprise, ou encore les résoudre plus facilement.

Objectifs de la médiation

L’objectif de la médiation d’entreprise, c’est tout d’abord de restaurer le dialogue, car pour qu’une relation change, il faut un accord entre les individus.

Dans toute relation interpersonnelle, on retrouve les notions de contenu (les intérêts de chacun) et les mécanismes relationnels (comment la relation s’organise-t-elle ? Y a-t-il un rapport de force au sein de cette relation ? On pourrait penser que les conflits émanent de centres d’intérêts divergents, mais en réalité, une relation peut-être très saine sans intérêts partagés. En revanche, l’interaction entre le contenu et la relation donne du sens au contenu, et permet de décoder la relation.

Il est cependant possible de rentrer en conflit du côté du contenu, et dans ce cas il est préférable de recourir à un expert en médiation, qui pourra donner un avis plus global, permettant aux individus de comprendre le point de vue de l’autre.
Au contraire, si le conflit émane des dynamiques relationnelles, il faut restaurer le dialogue le plus tôt possible, et donc une relation entre les deux parties qui s’opposent.

Mise en place des dispositifs de médiation

Avant toute mise en place de processus de médiation au sein d’une entreprise, il faut évaluer sa faisabilité. Pour cela, on étudie différents facteurs :

  • Connaître la population de salariés
  • Identifier les besoins en gestion de conflits
  • Identifier les structures de gestion de conflits existantes (qu’on pourrait réutiliser pour résoudre le nouveau conflit)
  • Identifier les résistances (car au sein d’entreprise, le changement est souvent vu comme une menace)

Ensuite, on peut commencer par sensibiliser l’entreprise à la médiation. Il est alors convenu d’organiser une première réunion avec la hiérarchie, le médecin du travail et les syndicats, afin d’informer la population de l’entreprise sur le processus de médiation, pour les inclure dans le projet. Cette étape est cruciale afin de lever les résistances à propos de cette démarche.

Puis, on peut passer au cœur du sujet, en traitant directement la relation conflictuelle. Cette étape se construit en 4 temps :

Construction du cadre
La médiation doit absolument avoir lieu dans un lieu neutre, calme et isolé.
Déconstruction séparation, expression des différents
Le médiateur a un premier contact avec chacune des deux parties, valide leur consentement pour la procédure de médiation, et tente d’établir un climat de confiance.
Reconstruction, recherche du consensus
C’est à ce moment que le médiateur essaie de comprendre le mieux possible le conflit, et la vision du conflit par les deux médiés. Le plus fort a tendance à « faire sa loi », la médiation est donc plus compliquée quand il y a une hiérarchie entre les médiés. Il est possible, par exemple, de demander à celui qui a le moins de pouvoir de formuler des propositions.
L’accord entre les parties en conflit
A l’issue de la construction du consensus, un accord doit obligatoirement être rédigé, et ce pour établir les obligations de chacun, pour que les médiés suivent leurs exécutions.
Les médiations ne débouchent malheureusement pas toujours sur des résultats convaincants. Les médiés ont donc pour possibilité d’entreprendre une seconde médiation.

Règles d’or de la médiation

  • Impartialité et neutralité : ne pas donner son avis, être libre de tout préjugé
    Le médiateur doit obligatoirement rester objectif et impartial, car un des médiés ne doit pas sentir le médiateur complice de l’autre, ce qui pourrait sérieusement entraver le processus d’apaisement des tensions.
  • Confidentialité des propos échangés
    Les médiés doivent pouvoir s’exprimer librement et sans entrave. Et pour permettre cela, le médiateur doit garantir que les propos échangés en médiation n’en sortiront pas.
  • Responsabilité : s’assurer que les discussions ont lieu d’égal à égal
    La hiérarchie n’a pas sa place en médiation, car elle pourrait placer un des médiés dans une situation d’autorité et de supériorité. Or, c’est ce que l’on cherche d’éviter à tout prix afin d’étudier les rapports humains le plus sainement possible.

Où trouver un médiateur ?

Les entreprises ont de plus en plus l’habitude de former des salariés à la médiation, ce qui peut leur permettre de contrôler le bien être du lieu de travail sur le long terme, toute l’année.

Cependant, ce n’est pas le cas de partout, et il est d’ailleurs préférable de faire appel à un médiateur extérieur à l’entreprise dans le cas de conflits collectifs. Les entreprises peuvent solliciter le RME (Réseau des médiateurs en entreprise) qui propose des médiateurs dans toutes les régions de France.

Pour les petites entreprises, il est possible de faire appel à des associations de médiateurs, qui sont eux bénévoles.

Lorsque qu’il est nécessaire de gérer des conflits relationnels entre la direction et l’ensemble du personnel au sein d’une entreprise, un dispositif d’appui au dialogue existe et est pris en charge par l’État.

La médiation est une pratique de plus en plus courante, et de nombreuses formations ont vu le jour ces dix dernières années, notamment à l’université, où il est possible d’effectuer un Master en Ingénierie de la médiation. Il existe également des formations continues, adaptées et pensées pour des professionnels déjà insérés sur le marché du travail.

En conclusion

La médiation est un excellent outil dans l’amélioration des rapports professionnels, du bien-être et de la productivité au travail, à condition que le processus soit pris au sérieux par tous les acteurs concernés !

Les résultats de la médiation dépendent essentiellement de la volonté des médiés à résoudre la situation conflictuelle en y apportant des éléments de réponse. Le médiateur n’est pas magicien, et ne peut qu’accompagner les individus dans cette démarche. Ce n’est surtout pas au médiateur d’apporter ces solutions, mais aux individus concernés.
Les médiés sont responsables, décideurs et acteurs de leur médiation et de la solution acceptée. C’est dans cette optique que s’inscrit le travail d’Antonino Mercuri : accompagner les individus dans la compréhension de leurs maux pour les soigner, révéler la solution en eux.